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UN HABITANT DE CONQUES CELEBRE
Charles PORTAL de MOUX
Quoique ne résidant sur son domaine de Vic que par moments, il est l’exemple même de l’agromane qui au XVIII siècle, dans l’Aude, opéra la transition de l’économie drapière dominante, vers l’économie viticole triomphante. Voici une présentation de l’homme et de son œuvre à partir des biographies existantes.
Ses origines
Ses études, sa formation
Après avoir terminé ses études classiques qui lui ouvraient de prestigieuses carrières, il choisit un métier peu prisé à l’époque, celui d’agriculteur. Désireux de se perfectionner dans la science agricole, il partit en 1822 à Roville en Meurthe-et-Moselle où Mathieu de Dombasle venait d’ouvrir la première école d’agriculture. Il y demeura un ou deux ans. Il fut un des plus brillants élèves de Dombasle, il conserva d’ailleurs des relations amicales avec son maître toute sa vie. C’est là qu’il apprit les bases de la science agronomique et de l’économie rurale.
Son beau-frère, M. de Blomac, avait été fait baron par Louis XVIII, pour service rendu à l’agriculture. Il fut un des fondateurs de la Société d’agriculture de l’Aude dont il assura la présidence dès sa création, en 1820. M. de Moux succéda dans cette société à son père, à la mort de ce dernier, en 1824. Cette parenté ne pouvait que contribuer à sa vocation.
Ce qui est caractéristique chez ce jeune agronome c’est le changement qu’il introduit dans son milieu, il attend plus de lui-même que des privilèges de son rang. Il adopte l’idée que l’usage le plus honorable pour lui de son temps et de son argent est de les employer à améliorer ses champs et ses troupeaux. Il y réussit si bien qu’il devient pour tout le Midi et même pour l’élite agricole nationale, une référence, on le compare à Olivier de Serres. Cela influence son caractère, il a probablement conscience de la valeur de ses idées, puisque ses contemporains disaient : « M. de Moux aime bien discuter mais pas qu’on le discute ».
Le domaine de Vic
L'œuvre
L'intensification de la production
Disposant de terres rénovées. Il introduisit la culture des blés améliorés à grand rendement, bien fumés et soumis à un assolement régulier. Les résultats furent bons mais pesés à la balance de sa comptabilité, cette culture s’avéra de faible rapport en raison du prix du grain fixé artificiellement bas par les pouvoirs publics pour assurer du pain aux français.
La vigne
Le développement du vignoble languedocien débute dans les premières années du XIX° siècle, s’intensifie et devient à la fin du siècle la culture dominante. M. de Moux s’est rendu compte rapidement que cette culture avait le produit brut à l’hectare le plus élevé de toutes les autres. De plus, il bénéficiait d’une rente de situation. Les paysans du Cabardès venaient à l’automne chercher chez lui le vin nécessaire à leur consommation et surtout payaient à l’achat en monnaie d’or.
En raison de ses premiers succès, M. de Moux décida d’étendre ses surfaces en vigne, d’abord sur les coteaux ensuite dans la plaine. Il se rendit dans diverses régions viticoles de France, étudia les différentes techniques culturales utilisées, en fit la synthèse et sut en homme pratique transposer chez lui tout ce qui lui semblait profitable. Il changea les pratiques de culture en abandonnant la plantation en quinconce pour la plantation en ligne, en uniformisant les cépages dans chacune des parcelles et surtout inventa un mode de culture sans labour. Pour cela, il fut l’inventeur d’un cultivateur tiré par un seul bœuf qui passait entre les rangs de vigne. Il obtint plusieurs récompenses pour son scarificateur. Cette technique avait l’avantage de maintenir un sol propre et aéré.
Il innova également dans sa cave, Eugène Castel nous dit : « Aux procédés rudimentaires alors en usage, il substitua une méthode de vinification plus scientifique, dénotant une connaissance de certains principes œnologiques totalement inusités avant lui dans le pays. Sa vaisselle vinaire toujours tenue en parfait état de propreté, était soigneusement aseptisée avant les vendanges. Il rompit surtout avec le déplorable usage consistant à rentrer d’abord toute la récolte et de ne la décuver que trois semaines ou un mois après sa mise en cuve. Le premier dans l’Aude, il outilla sa cave de façon à pouvoir décuver en cours de vendange et à réduire à quelques jours à peine la durée de la fermentation, évitant ainsi la piqûre, la casse brune et le goût de moisi si fréquent alors ».
Les cépages cultivés à Vic étaient : le terret-bouret, le mourastel, le brun fourcade (mourastel fleuri), le cinsault, l’aramon et probablement le carignan. Compte tenu de tout cela, le domaine devait produire un vin léger avec un certain bouquet, agréable à boire, bien coloré grâce au mourastel, un bon vin de pays. La production moyenne à l’hectare dans l’Aude au milieu du XIX° siècle était de 19 hl/ha, les vignes de M. de Moux produisaient près de 90 hl/ha, ce qui est considérable et explique sa fortune. Résultat lui permettant d’acquérir le domaine de Salitis et le domaine de Curé en 1856.
« PATRIMOINES, vallées des Cabardès » Cahier 5 – 2010